Réponse au journal Charente Libre
La France ne peut être complice de l'esclavage des médecins cubains
22 décembre 2021
Le journal Charente Libre a publié le lundi 20 décembre un article sur le projet de faire venir 15 médecins cubains pendant 2 ans dans le département de la Charente. Cette nouvelle a surpris une partie de la communauté cubaine, et en particulier les membres de notre Association France pour la Démocratie à Cuba (AFDC), qui militent pour la démocratie et le respect des droits humains à Cuba[1].
Nous considérons que ce projet est scandaleux pour les raisons suivantes.
Depuis les années 1970, le gouvernement cubain a fait de la formation massive de médecins, et surtout leur exportation à l’étranger, l’une des armes de sa propagande politique, et sa première source de devises. Environ 30 000 professionnels de santé cubains ont été envoyés dans 67 pays, afin d’obtenir des gains financiers substantiels dans un pays dont l’économie a été dévastée par le régime castriste. En effet, le gouvernement cubain s’approprie les salaires de ces professionnels (entre 5 000 et 6 000 € mensuels). Monsieur Jérôme Royer reconnaît d’ailleurs que c’est l’État cubain qui percevra les fonds, sans que cela ne semble lui poser problème. Sur ces sommes, seuls 10 à 15 % sont reversés aux médecins, et bloqués sur des comptes à Cuba jusqu’à leur retour sur l’île[2].
La gestion désastreuse de la crise de la COVID à Cuba est notamment due au manque de professionnels de santé, conséquence de cette exploitation forcée du personnel médical, que le gouvernement cubain préfère exporter pour des raisons financières plutôt que de les mettre au service de son propre peuple, qui meurt dans des hôpitaux en ruine, sans médecins et sans médicaments.
Outre l’impact délétère sur la santé des Cubains, la situation des médecins exportés relève de l’esclavage moderne. Les médecins cubains en mission souffrent de multiples restrictions et violations de leurs libertés fondamentales. Pour accomplir leur supposée “mission humanitaire”, ces médecins sont obligés de travailler jusqu’à 64 heures hebdomadaires, surveillés par les services de renseignements cubains qui contrôlent leurs moindres faits et gestes, allant jusqu’à leur confisquer leur passeport. Pour s’assurer que les médecins n’échappent pas au joug du régime, les familles restées à Cuba font office d’otages. Malgré ces mesures, plus de 5 000 médecins cubains ont réussi à s’enfuir[3], certains en demandant l’asile, regroupés dans la plateforme Barrio Afuera[4], tenue par les professionnels de santé refugiés aux Etats Unis.
Les preuves de ces violations aux droits de l’homme sont nombreuses et ces pratiques ont été condamnées par une large partie de la communauté internationale[5]. Dans une résolution du 10 juin 2021[6], le Parlement européen a condamné ces pratiques du gouvernement cubain qualifiées de « violations systématiques des droits humains ». 622 médecins cubains ont témoigné devant l’ONU et la CPI[7], et ont fait l’objet de rapports d’ONG comme Prisoners defenders ou Human Rights Watch[8].
Dès lors que ces faits sont connus et que les sources sont publiquement accessibles, il n’est pas possible pour Messieurs Jérôme Royer et Jacques Marsac, tous deux à l'origine de ce projet, d’ignorer la condition d’esclave des médecins cubains. Pour mémoire, l’exploitation d’une personne réduite en esclavage est un crime puni de vingt années de réclusion criminelle en droit français[9].
Par conséquent, nous, exilés cubains en France, interdits de séjour dans notre pays d'origine pour défendre la liberté et la démocratie, exhortons la communauté de communes de Charente limousine à abandonner ce projet.
Nous resterons attentifs à l’évolution de cette initiative qui, si elle venait à se concrétiser, ne peut qu’aboutir à la violation des droits fondamentaux des médecins cubains, dont les élus charentais se rendraient complices.
[1] https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/15/aidons-le-peuple-cubain-a-faire-de-cuba-un-pays-de-liberte_6106185_3232.html
[2] https://urml-m.org/wp-content/uploads/2020/09/LE-POINT.pdf
[3] https://elpais.com/internacional/2014/02/05/actualidad/1391626695_458398.html
[4] https://www.ssfhelp.org/barrio-afuera
[5] https://www.lefigaro.fr/flash-actu/des-centaines-de-medecins-supplementaires-denoncent-l-esclavage-de-cuba-devant-la-cpi-20200922
[6] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2021-0292_FR.html
[7] https://drive.google.com/file/d/1IfUjrY4HO5NzrKeLLG_nJtvAhlrVekse/view
[8] https://www.hrw.org/news/2020/07/23/cuba-repressive-rules-doctors-working-abroad
[9] article 224-1 B du Code pénal